Crise du logement : Les professionnels de la transaction font la différence

Crise du logement : Les professionnels de la transaction font la différence

21/12/2023
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Crise du logement 

Les professionnels de la transaction font la différence

 

Le marché de la revente des logements, communément appelé le « marché de l’ancien », a perdu au cours de l’année qui s’achève beaucoup de sa vigueur. Il est désormais probable qu’en 2023 on enregistre un nombre de transactions en repli de 25% par rapport à 2022. Certes, on peut arguer que l’an passé avait marqué un record, avec plus de 1,2 million d’opérations dans le logement existant : il reste que dans un marché de besoins l’essentiel de ces ventes et de ces achats répondaient à la nécessité des ménages qui ont conclu les transactions concernées. En clair, le rythme actuel ne correspond pas aux attentes des ménages, dont on rappellera que ce sont cinq grandes causes qui les conduisent à changer de logement : les naissances et les décès, la formation de couples et leur séparation, la mobilité professionnelle enfin. Ces causes constituent des événements impératifs de la vie, avec lesquelles on ne transige pas sans préjudice, même si toutes n’imposent pas la même urgence quant au logement.

C’est dire qu’il faut sans délai relancer l’activité du marché et que seules deux solutions sont à notre portée, l’une financière, l’autre économique.

La première, faciliter l’accès au crédit, a fait l’objet de décisions très récentes du Haut conseil de stabilité financière (HCSF). Les experts s’accordent à craindre qu’elles ne soient pas suffisantes, mais elles assouplissent effectivement les critères trop restrictifs en vigueur jusqu’alors, en permettant en particulier un rallongement de la durée maximum du prêt en cas de travaux importants, en lissant sur trois trimestres l’appréciation du bon usage par les banques de l’enveloppe dérogatoire de 20% de leur production ou encore en créant un dispositif d’examen des refus de prêt. Il est surtout à souhaiter que les établissements financiers, constatant la reconstitution de leurs marges grâce à la hausse des taux d’intérêt, se décontractent et consentent plus aisément des crédits immobiliers aux candidats emprunteurs.

C’est sans conteste de la seconde voie que viendra le salut du marché : les prix doivent s’ajuster à un pouvoir d’achat des ménages dégradé par la hausse des taux d’intérêt, qui leur en confisque un quart en moyenne. Les prix sont contraints de leur en redonner une partie. Pour le reste, les candidats à l’acquisition ont déjà mis en œuvre deux stratégies : ils puisent davantage dans leur épargne, pour un apport personnel plus conséquent et un moindre endettement, et ils ajustent leur projet ; ainsi, comme la baisse des taux avait permis d’acheter des superficies supérieures, la hausse conduit à une certaine modération, à nombre de pièces équivalent. 

La question de la baisse des prix est douloureuse, et beaucoup d’analystes sont mal à l’aise avec elle. On entend que les vendeurs résistent, et c’est à la fois vrai et logique : ils croient défendre leur cause en ne cédant pas à la correction de la valeur de leur bien, ne mesurant plus qu’ils perdent du temps pour réaliser leur projet ou encore que l’effort consenti sur le prix sera compensé par un achat à prix plus attractif en cas de réemploi du fruit de la cession. Seuls les négociateurs immobiliers peuvent jouer ce rôle de modérateurs du marché, et par conséquent de redynamiseurs, et ils le jouent depuis plusieurs mois : les baisses sont constatées partout en France, et par priorité dans les villes où les augmentations avaient été les plus rapides et les plus fortes au cours des dernières années, pénalisant les familles aux revenus intermédiaires ou faibles, même lorsque les crédits étaient moins chers et plus largement distribués. Étant donné le taux de pénétration des professionnels, qui tiennent les deux tiers du marché, on ne peut douter que les baisses actées soient le résultat de l’action des négociateurs sur le terrain. Ils savent raisonner les vendeurs, et débloquer ainsi des situations figées, au bénéfice des deux parties. Ils savent aussi rappeler aux cédants que la plupart d’entre eux ont engrangé une plus value significative et qu’un ajustement du prix de vente la réduira seulement un peu. Elle sera en outre dans 70% des cas exonérée de taxation, puisque les reventes de résidences principales constituent cette proportion du marché global et que ces biens ne sont pas assujettis à l’imposition de la plus value de cession. 

Les professionnels ont des arguments forts pour parvenir à cet ajustement des prix : ils disposent d’observatoires des marchés territoriaux et peuvent objectiver les valeurs qu’ils déterminent lors de la prise de mandat. Ils savent en outre calculer les prix non seulement par rapport à la qualité intrinsèque du bien, mais aussi rapporté à la solvabilité locale des acquéreurs potentiels. Enfin, les négociateurs au service des agences immobilières ou des réseaux de conseillers mandataires éclairent le marché sur une autre variable d’ajustement des prix, également fondamentale pour fluidifier les reventes : la valeur verte des biens. On parle peu du désarroi des vendeurs comme des acquéreurs à ce sujet, et pourtant il est réel et cause pour partie la baisse du nombre de transactions. La crainte d’une dévalorisation forte de son logement mal classé dans l’échelle du DPE (diagnostic de performance énergétique), ou à l’inverse la peur d’acheter trop cher un bien de cette nature tétanise beaucoup de Français. De plus, les banques sont aujourd’hui attentives à l’étiquette environnementale, qu’elles ne regardaient même pas auparavant. Cet intérêt au bien et non seulement au dossier de l’emprunteur prend des formes diverses : des refus de financer des passoires énergétiques, ou l’exigence de connaître l’enveloppe de travaux nécessaires pour redresser leur qualité écologique, ou encore des taux bonifiés pour l’achat de logements d’un bon niveau énergétique. Bref, la question est devenue centrale. Là encore, seul un professionnel de la transaction peut apprécier deux considérations, liées l’une à l’autre : les travaux à engager, leur montant prévisionnel et leur efficacité pour passer d’une lettre à une autre, et l’impact sur le prix d’achat.

Les DPE comportent dans leur version actuelle des informations précieuses sur les travaux utiles, mais elles ne sont qu’indicatives, et l’appréciation d’un conseiller est indispensable au moment de traduire vraiment en quantités économiques ces travaux. Leur juste mesure, sans surestimation par principe de protection ni minimisation, fait désormais partie de l’équation de toute transaction. D’ailleurs, les pouvoirs publics ont fait évoluer le rôle du DPE : conçu en 2006 comme un outil de sensibilisation, il est devenu une authentique aide à la décision d’achat, ou de location, et détermine le choix de l’acquéreur sur la chose et sur le prix. Au demeurant, il faut avoir l’honnêteté de dire que cette transparence entraîne elle aussi une modération du prix d’une partie des logements en marché, qu’on ne saurait confondre avec un effondrement de la valeur des patrimoines. Il s’agit au contraire d’une valorisation plus complète et plus rationnelle : pour parler comme les économistes, le marché de l’immobilier résidentiel devient vraiment un marché expert, c’est-à-dire dont les valeurs sont établies sur des critères sûrs et connus. Cette évolution place l’intermédiaire au cœur du jeu et fait de lui, plus que jamais, un passage obligé.  Enfin, le conseil aujourd’hui primordial du professionnel ne coûte rien ni aux acquéreurs ni aux vendeurs : il n’est rétribué qu’à la réalisation définitive de la transaction, quand le succès de la négociation est venu démontrer aux deux parties le bien-fondé de ses avis experts.

De la difficulté majorée à préciser le prix de vente d’un logement existant, sous les effets conjugués de l’inflation et des impératifs de la transition écologique, va inévitablement s’ensuivre une hausse du taux de pénétration des agents immobiliers et des réseaux de mandataires. S’agissant d’un marché à forts enjeux pour les ménages, il faut s’en réjouir, au nom de la sécurité des opérations et de la sérénité des vendeurs comme des acquéreurs. 

 

                                                                                                                        Danielle Dubrac